Quelles nouvelles compétences à l'ère des IA génératives ?

L'éducation s'est toujours adaptée, plus ou moins rapidement, au contexte technologique et culturel afin de répondre aux besoins de formation des générations futures. Face à l'émergence d'Internet, de grands organismes internationaux tels que l'UNESCO et l'OCDE ont élaboré des références de connaissances et de compétences liées au numérique. Depuis 2013, ces compétences sont désignées comme les compétences dites du XXIe siècle et sont classées en trois grands domaines : 


Ces compétences mettent en avant cinq aptitudes à développer :

L'émergence soudaine des IA génératives accessibles à toutes et à tous depuis le mois de novembre 2022 n'a pas remis en cause ces compétences, au contraire, mais elle a probablement ajouté de nouvelles aptitudes qui devront faire leur entrée plus ou moins rapidement dans les curriculums et les programmes afin de préparer au mieux les citoyens à évoluer, travailler et exercer leur pensée critique dans un monde qui est déjà largement organisé avec des IA génératives et qui le sera probablement de plus en plus. 

Cette maîtrise de l'IA peut s'organiser autour de sept éléments identifiés par Kevin Yee, Kirby Whittington, Erin Goggette et Laurie Uttich :

Ce premier élément est important car il existe différentes branches de l'IA qu'il convient de comprendre pour en saisir pleinement les capacités et les limites. Les IA génératives comme ChatGPT peuvent être sujettes à des hallucinations que les utilisateurs ne pourront comprendre qu'à partir du moment où ils auront été amenés à ouvrir le capot du moteur afin d'observer la mécanique de fonctionnement derrière des réponses qui peuvent parfois sembler magiques

Les outils d'intelligence artificielle du futur ne construiront d'ailleurs peut-être pas les résultats de la même manière, et il sera par conséquent important de continuer à actualiser une culture scientifique et numérique minimum pour permettre à chacune et chacun de ne pas devenir l'objet des machines.

2. Décider quand utiliser l'IA (et quand ne pas l'utiliser)

Savoir choisir le bon moment pour faire appel à l'intelligence artificielle (IA) est crucial. Il y a des situations où l'IA peut être extrêmement utile, par exemple pour analyser de grandes quantités de données rapidement ou pour effectuer des tâches répétitives sans erreur. Mais il y a aussi des moments où il vaut mieux s'en passer, surtout quand il s'agit de décisions qui nécessitent une compréhension humaine profonde ou un jugement moral. Faut-il par exemple recopier un résultat en bloc ? Quid de la question du droit d'auteur ? 

Prendre la bonne décision à cet égard est essentiel car cela peut affecter l'efficacité, la pertinence et l'éthique des actions entreprises. Dans le domaine spécifique de l'éducation, il peut parfois être justifié d'utiliser des IA pour accompagner une réflexion ou une rédaction, mais il va falloir réfléchir au positionnement du curseur.

3. Apprécier l'utilisation de l'IA 

Cette composante fait référence au domaine affectif de la taxonomie de Bloom (aux côtés des domaines cognitifs et psychomoteurs).  "Apprécier / Valoriser" se situe au milieu de la hiérarchie affective, entre "recevoir / répondre" et "organiser / caractériser". Elle est d'autant plus importante face aux IA génératives que cette technologie modifie profondément notre rapport au savoir et à l'information. La réaction initiale à l'IA n'est clairement pas la même pour tous : certains sont aujourd'hui enthousiasmés quand d'autres sont terrifiés. Or, la maîtrise de l'IA passe par une phase nécessaire d'appréciation de sa valeur et de son utilité. 

4. Appliquer des méthodes efficaces d'ingénierie des prompts 

Cela a été souvent répété : le nom de cette nouvelle technologie est un faux ami. Les IA génératives n'ont absolument rien d'intelligent. Elles construisent une réponse en mobilisant des statistiques et des algorithmes sans jamais comprendre ce qu'elles disent. Obtenir une réponse intéressante nécessite par conséquent la création de prompts efficaces, c'est-à-dire une requête initiale suffisamment claire, précise et détaillée. Bien que certaines disciplines forment déjà les élèves à penser avec ces méthodes (en travaillant l'argumentation, la description, la programmation, etc.), l'ingénierie des prompts constitue une discipline en soi dont il va falloir apprendre à maîtriser les codes et le langage.

5. Evaluer la production de l'IA générative

Savoir évaluer ce que produit l'intelligence artificielle (IA) est une compétence essentielle, surtout face aux erreurs de systèmes comme ChatGPT. Nous sommes de plus en plus confrontés à des images et des vidéos truquées, notamment avec des personnalités publiques, au point qu'il ne faut plus se fier aveuglément à ce que nous voyons sur nos écrans. ChatGPT peut créer des informations, des noms et des références qui semblent vrais, avec une assurance presque audacieuse. Il est donc important que les utilisateurs abordent les résultats fournis par l'IA avec un esprit critique, et c'est une capacité que nous devons sans doute encore renforcer. 

6. Ajouter de la valeur humaine

Cette sixième composante est peut-être la plus importante à considérer lorsqu'on réfléchit à la façon dont nos élèves et étudiants pourront trouver leur place sur le marché du travail futur. Puisque l'IA est déjà capable d'automatiser de nombreuses tâches et que les intelligences artificielles futures vont continuer à remplacer le travail humain dans d'autres domaines, les métiers de demain seront ceux capables d'apporter une plus-value au travail de l'IA. Cela peut consister à corriger les résultats produits par l'IA ou à les intégrer et les appliquer dans d'autres systèmes et processus que l'IA ne peut pas gérer. Il en existe déjà beaucoup, mais d'autres métiers vont probablement apparaître dans les prochaines années.

7. Faire preuve d'adaptabilité numérique

Qu'on le veuille ou non, l'intelligence artificielle est là et elle progresse à une vitesse phénoménale. Les personnes compétentes aujourd'hui ne le resteront probablement pas longtemps si elles n'actualisent pas régulièrement leurs connaissances et compétences face à l'apparition de nouveaux systèmes.